Editorial

Ces actions ont pour but d’obtenir une reconnaissance en tant que « nouveau mouvement religieux », ou « minorité de conviction», et de pouvoir diffuser leurs dogmes et influer sur les orientations dans un certain nombre de domaines.

Or, si la question des sectes n’est pas absente des réflexions dans les institutions européennes, il n’existe pas de réponse ou d’objectif commun pour y faire face.

En 1996, une résolution du Parlement européen demandait aux Etats membres de l’Union, de fixer deux objectifs : échanger des informations sur l’organisation, le fonctionnement et le comportement de ces groupes dans chaque Etat ; parvenir à des conclusions sur la meilleure façon d’endiguer leurs activités inopportunes et sur les stratégies à suivre pour mettre en garde les populations. Cette résolution ne fut pas suivie d’effet.

En 2002, lorsque est adoptée la Charte des Droits fondamentaux dont un des principes est la liberté de croyance, la question de la coopération internationale reste lettre morte.

Par ailleurs, la Commission européenne s’est dotée d’un Bureau des conseillers de politique européenne, le BEPA (Bureau of European Policy Advisers), dont l’une des missions est « d’assurer un dialogue permanent entre la Commission et les Communautés de Foi et de Conviction ».

Une liste de participants potentiels est proposée par le BEPA, liste hétéroclite d’associations religieuses et de communautés « de pensée confessionnelle » et d’associations représentant « les minorités de conviction » qui en ont fait la demande. On y retrouve l’Eglise de Scientologie, Invitation à la vie (IVI), l’Institut de la Soka Gakkai.

Interrogé sur cette présence aux réunions du BEPA, à l’exclusion d’associations défendant la laïcité, le conseiller en charge des religions « se mura dans un silence diplomatique en répétant que la décision appartient aux Etats membres ».
La reconnaissance, par certains pays, de mouvements sectaires comme religion nous amène donc à redouter une normalisation possible de ces mêmes mouvements.

Entre illuminisme et secte

Fin mars 2010, dans le Michigan, un exemple typique, la milice Hutaree, a suscité une vive préoccupation pour le FBI. Ce groupe chrétien apocalyptique, armé, projetait des actions anti-gouvernementales violentes, ce qui a obligé les autorités à procéder à des arrestations.
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Editorial

Pour la fin du monde prends ta valise
Et va là-haut sur la montagne on t’attend
N’aie plus peur de rien tout ira très bien
Pour la fin du monde viens tout simplement
Viens donc il est temps. […]
chantait Gérard Palaprat en 1971…

Quarante ans plus tard, sa chanson est toujours d’actualité, la montagne a pour nom « le Pic de Bugarach », l’économie touristique de l’Aude en profite un peu, le thème est abondamment développé par des artistes, des écrivains, des chercheurs en divers disciplines, les médias s’en sont emparés… et Bulles n’échappe pas au phénomène !

Comme le soulignait Serge Blisko, président de la MIVILUDES, dans son intervention à la conférence de la FECRIS, l’annonce de 2012 a été précédée de beaucoup d’autres, les arguments anxiogènes ayant varié au cours des temps bien sûr. Pour nos associations, l’annonce de catastrophe imminente est un thème connu, inhérent à l’emprise sectaire. Induisant progressivement la rupture avec l’extérieur, la rhétorique « tu cours un véritable danger, avec nous seuls tu es protégé » se retrouve dans tous les récits d’anciens adeptes de mouvements sectaires. Que l’on pense aux dangers pour un Témoin de Jéhovah de fréquenter un « exclu », fut-il son conjoint ou son enfant, ou encore aux récits des « reclus de Monflanquin » sous l’emprise de Thierry Tilly qui les avait progressivement conduits à rompre avec parents et amis et à n’attendre leur salut que de lui.

On peut sourire des faux prophètes, et ne pas accorder de crédit à leurs prédictions mais il serait erroné de penser que personne ne les croira. Certains se sont contentés de s’enrichir en diffusant leurs prophéties à travers livres, CD, DVD, sites internet, etc. Mais d’autres sont devenus de vrais gourous et ont entraîné de vrais adeptes, ayant, comme l’explique Romy Sauvayre, « des raisons de croire ce qu’ils croient », même si ces croyances paraissent invraisemblables et peuvent conduire à des drames. Rappelons-nous des responsables de l’Ordre du Temple Solaire (OTS) dont les théories ont entraîné la mort de soixante quatorze personnes, dont trois enfants…

Sectes et entreprises

En France, la dimension « spirituelle » représente environ 50% du marché sectaire. Mais d’autres secteurs ont émergé, en particulier dans le monde du développement personnel, de la formation en entreprise, voire du coaching permanent.
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Editorial

La commission d’enquête «relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs » va rendre ses conclusions en décembre après cinq mois d’auditions et d’études.

Alerté par des procès dramatiques, des témoignages alarmants, des rapports instructifs sur la situation des enfants dans les sectes, le groupe de travail parlementaire a pris ses responsabilités faisant fi des pressions exercées de toute part, et nous l’en remercions.
Le sort des enfants mineurs reste toujours au cœur de la problématique sectaire. Force est de constater que ceux qui attentent à leur dignité échappent encore trop souvent aux sanctions. C’est donc bien de protection dont ont besoin ces enfants, à la fois sous la coupe de parents qui ont déterminé pour eux un choix d’appartenance à une secte, mais aussi sous l’influence du gourou, régissant le groupe dont ils font partie.

Au-delà de l’aspect purement juridique (le mineur est l’individu qui n’a pas encore 18 ans), on considérera que le terme mineur désigne un enfant ou un adolescent qui se singularise par sa fragilité physique et psychologique, ainsi que par son incapacité à subvenir seul à ses besoins élémentaires. S’il reste dépendant de sa famille, il a aussi besoin de la société en général pour être protégé, se construire en tant qu’homme, adulte et citoyen. La loi doit le protéger.

L’enfant est considéré comme une personne à part entière, un être en construction dont on reconnaît qu’il a des droits propres. Cela est confirmé par l’article 18 de la Convention internationale des droits de l’enfant. Il y est mentionné notamment : le droit à un nom, à une filiation, à l’éducation, le droit à la liberté de mouvement de pensée et de religion et à la sécurité, l’interdiction de tout traitement inhumain ou dégradant, le droit d’être entendu équitablement par un tribunal indépendant et impartial, le droit à la vie privée et familiale.

Les principes constitutionnels et le cadre législatif, ne suffisent pas à protéger le mineur de l’influence néfaste, tant morale que physique, des doctrines sectaires et de ceux qui les mettent en oeuvre.

Les mineurs sont les proies désignées des mouvements sectaires qui à l’escroquerie spirituelle ajoutent le cynisme de l’escroquerie financière. Les secteurs de vulnérabilité sont facilement repérables : aide à l’enfance, soutien scolaire, activités extra-scolaires et artistiques…Les sectes infiltrent les services et distillent leurs doctrines.

Elles fédèrent leurs efforts, mutualisent leurs moyens et créent des associations de défense pour se protéger des institutions démocratiques qui les empêchent de prospérer en rond. Ceci dans une confusion des débats sur les droits spécifiques des communautés, où la défense du droit à la différence amène rapidement à la différence des droits.

Cette conception n’intègre pas les années de construction républicaine pour protéger le citoyen, des marchands d’espoir qui portent atteinte à l’ordre public et aux libertés garanties par la République.

Catherine Picard

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Sectes et  » psycho-groupes  » au Bade-Wurtemberg (Allemagne)

Extraits de l’intervention de Hans-Werner Carlhoff (Allemagne) lors de la Conférence de la FECRIS « Sectes destructives et Droits de l’homme », à Saint Petersbourg les 15 et 16 mai 2009. Hans-Werner Carlhoff est responsable du groupe interministériel de travail du Bade-Wurtemberg sur les questions de « sectes » et « psycho-groupes ».
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Editorial

Ce numéro de Bulles s’ouvre sur un hommage à Jacques Trouslard, récemment décédé au terme d’une vie très active, consacrée entre autres, à la défense des victimes de sectes. Chacun d’entre nous gardera en mémoire son engagement et se souviendra de la pertinence de ses analyses autant que de son humour et de sa modestie tout au long de son combat.

Les trois témoignages publiés dans ce numéro, s’ils sont représentatifs de nombreux cas d’emprise psychologique dont les ADFI sont témoins, montrent que l’on peut en sortir. Nous souhaitons qu’ils permettent aux familles qui se sentent si impuissantes devant l’abus de pouvoir exercé sur leur proche, de garder toujours présent à l’esprit que la sortie est possible, même s’il faut attendre parfois longtemps.

Le point commun aux histoires de ces trois jeunes femmes est la rencontre d’une personne manipulatrice (professeur, voyant ou thérapeute) qui les a écoutées, mises en confiance, et leur a apporté un mieux-être provisoire. Puis, progressivement conduites à croire que ce « gourou » possédait des connaissances supérieures, ou des pouvoirs occultes, et incitées à n’en pas faire état devant des personnes extérieures, elles ont commencé une descente dans les arcanes de la déraison. Amenées à parler d’elles mêmes, à dévoiler entièrement leur intimité, elles ont donné au « gourou » tout pouvoir pour les assujettir et pour les retenir par la culpabilité et la peur.

Ce qui a permis la sortie d’emprise est propre à chaque victime, mais ces récits mettent en lumière l’importance des liens familiaux conservés, et parfois d’une mobilisation rapide de l’entourage aidé et soutenu par une association ayant l’expérience de ces situations.

On lira, enfin, le deuxième volet de l’entretien avec Guy Rouquet sur le chamanisme. Le précédent article traitait des rapports entre chamanisme et religion, les questions portent ici sur les rapports du chamanisme avec la médecine.

Bulles N°117 : éditorial

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France pour violation de la liberté de pensée, de conscience et de religion, invoquant le non respect de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les procédures fiscales intentées contre trois mouvements sectaires ont été invalidées, tout comme l’avaient été celles concernant l’association Témoins de Jéhovah, en 2011, par un arrêt qui fait office de jurisprudence en la matière.

Certes, la nature de ces décisions reste technique et fiscale, pour autant nous nous interrogeons sur les motivations de la Cour qui semble considérer que tous ces groupes seraient « religieux » quels que soient leur forme juridique, leurs statuts et leurs actions. Le premier arrêt porte pour titre « association cultuelle du Temple pyramide » et les redressements contestés portent sur la période 93-95. Or cette association, créée en 1991 et dissoute en 1995, était une association Loi 1901 et ne pouvait être qualifiée de cultuelle au sens de la Loi de 1905. Son statut ne lui permettait donc pas de bénéficier des exonérations prévues par l’article 795-10 du code général des impôts. La Cour ne semble pas avoir tenu compte des avis des différentes instances juridiques qui confirmeront le bien fondé de l’action des services fiscaux.

En 1995, le Conseil d’Etat a, de son côté, confirmé l’annulation du permis de construire du temple prévu pour la célébration du culte de l’aumisme .
Consciente de ce que les décisions conjointes des pouvoirs publics allaient nuire financièrement à leur activité, l’association se dissoudra, et reportera ses actifs sur une autre association, l’Association du Vajra triomphant… manière connue d’organiser son insolvabilité. Une conception du droit anglo saxonne et globalisante conduit la Cour a un raisonnement très éloigné de la conception française. En décidant du statut à octroyer à tel ou tel, elle fait fi du droit national. Elle favorise ainsi l’amalgame entre secte et religion, permettant aux mouvements sectaires de se considérer comme absouts de toute manœuvre frauduleuse, de l’exploitation de leurs adeptes et d’atteinte à leurs droits fondamentaux.

Au nom des familles et des personnes victimes de ces mouvements, nous demandons à l’Etat français la saisine de la Grande chambre pour un réexamen de ce dossier.

Catherine Picard, présidente de l’UNADFI