Scientologie : le verdict

Le 27 octobre 2009, le tribunal correctionnel de Paris a reconnu la Scientologie coupable « d’escroquerie en bande organisée ». Il a condamné les deux personnes morales : l’Association spirituelle de l’Eglise de Scientologie-Celebrity Centre (ASES-CC) et la librairie Scientologie Espace Liberté (SEL), à des amendes respectives de 400.000 et 200.000 euros, reconnaissant dans le jugement que les méthodes utilisées par ces deux structures étaient « délictuelles ».
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Editorial

« Nous ne pouvons pas admettre que des organisations totalitaires, qui font injure aux libertés fondamentales, en appellent aux mêmes libertés pour obtenir que leurs pratiques anti-démocratiques et contraires aux droits de l’homme soient protégées.[…] Afin d’empêcher que les autorités administratives et les tribunaux des états individuels ne soient abusés par des organisations totalitaires, nous avons besoin d’avoir une société civile éclairée et vigilante, tant au niveau local que national et international. » (Annelise Oeschger, ancienne présidente de la conférence des OING du Conseil de l’Europe).

Dès leur création, nos associations ont eu pour préoccupation d’informer les pouvoirs publics sur le fonctionnement totalitaire des groupes sectaires ; les victimes elles-mêmes ont pris la parole pour dénoncer les atteintes aux droits fondamentaux des personnes dans ces groupes, allant jusqu’à intenter des actions en justice contre le gourou ou l’organisation. Ces procès, longs, difficiles et très éprouvants, ont mis au grand jour un fonctionnement bien éloigné de celui d’un état de droit…

Certains pays se préoccupent de la question sectaire, par la prévention et la législation, d’autres n’y voient que l’exercice d’une liberté de croyance inaliénable. L’écho, dans les médias internationaux, de la condamnation de la Watchtower Society de New-York, lors du procès intenté par Candace Conti, semble cependant indiquer une prise de conscience par la société civile de la responsabilité pénale des organisations.

Alors mineure, Candace a subi des sévices sexuels de la part d’un Témoin de Jéhovah, pédophile récidiviste, appartenant à la même congrégation qu’elle ; en 2011, elle porte plainte à la fois contre l’agresseur, la congrégation où s’étaient déroulés les faits, et la Watchtower Society.

Le jury de la Cour supérieure du comté d’Alameda (Californie) a condamné l’agresseur et reconnu coupables de négligence les anciens de la congrégation et la direction du mouvement, condamnant cette dernière à près de 24 millions de dollars (la Watchtower a fait appel de cette décision).

Candace explique qu’en portant plainte, et en refusant un éventuel arrangement financier, elle a deux objectifs : protéger les enfants et encourager les victimes d’abus sexuels, ayant subi la politique interne du mouvement, à se manifester.

Pratiques de purification et emprise groupale

Le fait que de très nombreux groupes d’embrigadement développent des discours sur la souillure et prescrivent des pratiques de purification, amène à se poser plusieurs questions. D’abord sur l’écho rencontré chez les adeptes : ces préoccupations sont elles insolites ou au contraire bien ancrées dans la culture contemporaine ? Et si oui, dans quels registres se déclinent-elles ? D’autre part, de quelles façons, le thème de la souillure et les pratiques de purification peuvent-ils être exploités pour renforcer l’emprise d’un dirigeant et d’un groupe sur un individu ? Enfin, quels sont les effets des pratiques de purification sur les individus et les groupes et quel genre de risques peuvent survenir quand les pratiques de purification prennent le pas sur toute autre considération. Jusqu’où peut mener un souci de purification poussé à ses limites les plus extrêmes ?

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Editorial

Personne ne choisit librement de perdre sa dignité, personne ne choisit volontairement de perdre sa liberté de penser… Mais il existe des « techniques propres à altérer le jugement » qui peuvent conduire un individu à l’assujettissement, à l’acceptation que toute sa vie soit régie par un tiers ou par une institution. Cette emprise mentale s’installe progressivement, chaque étape pouvant apparaître comme « librement consentie » : « C’est comme gravir un escalier dont les premières marches sont si peu élevées qu’on ne se rend pas compte qu’elles mènent à des marches de plus en plus hautes qui vous éloignent de plus en plus du sens commun », pour reprendre les propos de Gérald Bronner lors d’un récent colloque de la Miviludes.

Depuis qu’elles existent, nos associations suivent l’évolution du phénomène sectaire, tant dans l’organisation des « grandes sectes » en multinationales économiquement rentables et parfois politiquement reconnues, que dans le développement en réseau d’une myriade de petits groupes (parfois réduits à quelques dizaines de personnes). Quelle que soit leur taille, ces « États sectaires », comme les nomme Jean-Pierre Jougla, se caractérisent par un cumul des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire entre les seules mains du gourou. En faisant perdre à l’adepte sa dimension de citoyen, ce modèle sectaire atteint directement le lien social fondé sur l’État de droit.

Ce modèle régressif est porteur de graves abus de pouvoir sur les individus, sanctionnés par la justice française lors de plusieurs procès de l’année 2013.

Et ce même colloque de la Miviludes, en présence du ministre de l’Intérieur, souligne que les pouvoirs publics français sont conscients du risque sectaire tant pour les individus que pour la société.

Depuis 30 ans, Bulles s’attache à informer sur l’actualité et l’évolution du phénomène sectaire. Les articles de ce numéro, le cent vingtième, soulignent encore l’importance de la prévention : la perception des risques et la connaissance des méthodes sectaires sont indispensables à l’exercice d’une vigilance efficace.