Scientologie : la dissolution perdue

Le lundi 14 septembre 2009, la MIVILUDES annonce qu’une modification d’une loi votée le 12 mai et promulguée le 13 mai 2009, ne permet plus à un magistrat de dissoudre les personnes morales condamnées pour escroquerie. « Intervenue sans débat », cette modification législative rend donc impossible la dissolution de deux structures de la Scientologie réclamée par le Parquet à l’issue du retentissant procès de juin 2009. Cette nouvelle a fait l’effet d’un coup de tonnerre et suscité nombre de réactions de la part de femmes et d’hommes politiques dont de nombreux députés. Elle a donné lieu à de très nombreux articles et à une kyrielle d’émissions ou d’interventions dans les médias (presse écrite et audiovisuel) ainsi que sur internet.
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Editorial

Le 10 avril dernier, la commission sénatoriale rendait son rapport « Dérives thérapeutiques et dérives sectaires : la santé en danger », dont Bulles rend compte en deux parties, dans ce numéro et le suivant.

S’appuyant sur les auditions d’un large panel de personnes et une documentation fournie, ce travail très intéressant permet, entre autre, de se faire une idée de la multiplicité et de la variété des propositions de soin présentes aujourd’hui dans notre société. Parmi celles-ci figurent un grand nombre de « pratiques non conventionnelles » qui diffèrent fondamentalement de la médecine conventionnelle par leurs conceptions de la maladie. La commission a fait le constat que la mise en pratique de ces conceptions peut parfois se traduire par des mauvais traitements ; elle peut aussi être à l’origine de l’emprise du « thérapeute » sur son « client ».

Dans les mouvements sectaires, un certain nombre de croyances sous-tendent les diverses théories relatives à la santé. Une adhésion inconditionnelle à de tels mouvements, ou à un gourou, peut apporter aux adeptes convaincus des réponses à leurs questions existentielles et la certitude que les comportements ou actions exigés sont, à long terme, bénéfiques pour soi et pour l’humanité. Elle peut cependant aussi les conduire à « subir des mauvais traitements dégradant leur état physique et mental », ou à être privés de soin. Quels que soient les éventuels doutes de l’adepte sous emprise, la soumission exigée ne lui permet plus de faire un choix personnel libre et raisonné.

La liberté de croyance est une liberté fondamentale, dont on sait aussi qu’elle peut servir d’argument à des abus de pouvoir, comme en témoignent les récits et informations recueillis par nos associations. Les conséquences de ces abus peuvent être lourdes, parfois dramatiques, pour les personnes dont ils « compromettent les chances de guérison, voire de survie ». Peut-on parler de libre choix thérapeutique lorsque un adepte est soumis à des pressions, au chantage affectif, au contrôle de sa vie privée ?

Editorial

Nous avons souvent dit et écrit, à la suite de nombreux témoignages reçus par les ADFI, qu’on n’entrait pas dans une secte : le terme a quelque chose de suffisamment péjoratif pour que, volontairement, lucidement, on ne fasse pas cette démarche. On entre dans un mouvement, dans un groupe dont les thèmes de séduction répondent à votre attente, à votre recherche, à vos aspirations du moment. Il est bien évident que si ces organisations sectaires exprimaient clairement leurs objectifs et leurs moyens d’y parvenir, c’est à dire leurs méthodes d’emprise, le phénomène sectaire serait plutôt réduit.

Quels sont donc ces thèmes de séduction et quelles sont les personnes qui y succombent ? Avant tout, les victimes sont des idéalistes animés d’un sentiment de grande générosité, persuadés qu’ils vont œuvrer à l’établissement de la paix dans le monde, à la diffusion de l’amour universel (comme le promet l’Eglise de l’Unification du Révérend Moon, la Méditation Transcendantale, la Fraternité Blanche Universelle, pour ne citer que quelques exemples). D’autres, plus pragmatiques, vont attirer des jeunes dans un mouvement d’aide humanitaire (voir l’article concernant Tvind Humana, dans ce présent numéro).
Bien sûr, certaines organisations affichent des promesses de nature plus égoïste : il s’agit alors de se transformer soi-même, de développer son potentiel. Mais la plupart du temps, on n’oublie pas d’ajouter que cela est une base indispensable à la transformation des autres et de l’humanité, l’altruisme n’ayant pas de limite.

Les personnes séduites, soumises à des techniques d’emprise souvent étudiées dans nos pages, sont persuadées d’accomplir librement tous les sacrifices demandés ; elles abandonnent tout esprit critique et servent ainsi de force de travail au profit de maîtres qu’elles vont enrichir. Certaines même apportent dans ces organisations tous leurs biens et les abandonnent au service d’une cause parée de noblesse.

Ne peut-on parler alors d’une nouvelle forme d’esclavagisme ?

Scientologie : le verdict

Le 27 octobre 2009, le tribunal correctionnel de Paris a reconnu la Scientologie coupable « d’escroquerie en bande organisée ». Il a condamné les deux personnes morales : l’Association spirituelle de l’Eglise de Scientologie-Celebrity Centre (ASES-CC) et la librairie Scientologie Espace Liberté (SEL), à des amendes respectives de 400.000 et 200.000 euros, reconnaissant dans le jugement que les méthodes utilisées par ces deux structures étaient « délictuelles ».
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Editorial

« Nous ne pouvons pas admettre que des organisations totalitaires, qui font injure aux libertés fondamentales, en appellent aux mêmes libertés pour obtenir que leurs pratiques anti-démocratiques et contraires aux droits de l’homme soient protégées.[…] Afin d’empêcher que les autorités administratives et les tribunaux des états individuels ne soient abusés par des organisations totalitaires, nous avons besoin d’avoir une société civile éclairée et vigilante, tant au niveau local que national et international. » (Annelise Oeschger, ancienne présidente de la conférence des OING du Conseil de l’Europe).

Dès leur création, nos associations ont eu pour préoccupation d’informer les pouvoirs publics sur le fonctionnement totalitaire des groupes sectaires ; les victimes elles-mêmes ont pris la parole pour dénoncer les atteintes aux droits fondamentaux des personnes dans ces groupes, allant jusqu’à intenter des actions en justice contre le gourou ou l’organisation. Ces procès, longs, difficiles et très éprouvants, ont mis au grand jour un fonctionnement bien éloigné de celui d’un état de droit…

Certains pays se préoccupent de la question sectaire, par la prévention et la législation, d’autres n’y voient que l’exercice d’une liberté de croyance inaliénable. L’écho, dans les médias internationaux, de la condamnation de la Watchtower Society de New-York, lors du procès intenté par Candace Conti, semble cependant indiquer une prise de conscience par la société civile de la responsabilité pénale des organisations.

Alors mineure, Candace a subi des sévices sexuels de la part d’un Témoin de Jéhovah, pédophile récidiviste, appartenant à la même congrégation qu’elle ; en 2011, elle porte plainte à la fois contre l’agresseur, la congrégation où s’étaient déroulés les faits, et la Watchtower Society.

Le jury de la Cour supérieure du comté d’Alameda (Californie) a condamné l’agresseur et reconnu coupables de négligence les anciens de la congrégation et la direction du mouvement, condamnant cette dernière à près de 24 millions de dollars (la Watchtower a fait appel de cette décision).

Candace explique qu’en portant plainte, et en refusant un éventuel arrangement financier, elle a deux objectifs : protéger les enfants et encourager les victimes d’abus sexuels, ayant subi la politique interne du mouvement, à se manifester.